Les derniers voyages d’Alfred Métraux

3 - Le 23 décembre à Carhuaz


« Bizarre sentiment d’être hors du temps… »


Promenade à Carhuaz. Mercredi 23 décembre

Carhuaz est très riant. Grande plazza avec des buissons, des arbres, une église en briques rouges dont l’intérieur est ancien. (...) A l’entrée de l’église une femme plus très jeune, presque édentée, dispose par terre ce que j’ai cru être deux poupées. Ce sont deux nouveau-nés qu’elle a désemmaillotés.

Maisons blanches…

(…) rues où courent de petits ruisseaux, mendiant accroupi dans un coin solitaire. Lumière intense, soleil de plomb et bizarre sentiment d’être hors du temps, d’exister en quelque sorte dans le vide. Implacable silence de la grande plazza sous le soleil et vague terreur d’être condamné à y vivre même en temps qu’ethnographe. C’est le sentiment d’inutilité de la vie, du mouvement, le cafard du grand soleil.

L’Enterrement d’un enfant à Vicos

Enterrement d’un enfant de 4 ans. Cercueil rouge avec ornements grossiers, lettres et un oiseau(…) La mère, déjà âgée, titubante, danse avec d’autres femmes et des hommes…

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Elles tournoient autour du cercueil, trébuchent. A un moment donné, la mère s’effondre sur le cercueil. Elle ne veut plus danser. Un homme l’y oblige, la tire pour la relever. Debout, perdant l’équilibre, elle se remet à sa ronde. Un homme prend le cercueil, le charge sur son épaule et suivi des musiciens et de toute la famille, se dirige vers une chapelle à l’autre extrémité de la place. Le cercueil est posé par terre et la danse continue. Tout auprès des groupes de femmes. Les unes allaitent leurs bébés emmaillotés. Des Indiens ivre morts s’endorment contre la chapelle…