Les derniers voyages d’Alfred Métraux

6 - région de Campeche


Au milieu de la nuit, les Métraux et Hubert Comte prennent le train pour Campeche. Ils y arriveront le 24 juillet. De l’hôtel Baluartes où les Métraux résident, ils font face aux remparts. Très fatigués, harassés même, ils vont se reposer, prenant leurs habitudes dans un petit café, se promenant dans les rues et les patios, visitant les monuments et les musées, goûtant les spécialités locales, observant les étals des marchés. La chaleur accablante, la musique militaire omniprésente et la fatigue des derniers jours les rend un peu dépressifs. Le 25 juillet, ils décident de faire une excursion en bus à Edzna. Ils resteront encore jusqu’au 27 juillet à Campeche avant de repartir en bus pour Muna.


Départ pour le Yucatan

Réveillés à 3h30 pour prendre le train pour Campeche. Le wagon de première, des gosses sur les banquettes, tout cela dort (…) Nous sommes abrutis de fatigue(…) Nous nous arrêtons souvent – et il s’agit de l’express ! – dans des villages perdus : deux, trois maisons en dur et le reste des huttes de palme - très peu de quais – on saute du train sur un sol en terre battue (…) Le marchand de refrescos circule aussi dans le train (…) Nous avons tous soigneusement évité les cabinets.

Nous sommes dans la plaine yucatèque (…) Donc de maigres forêts, des terrains défrichés, des cultures (maïs, canne etc..) et surtout de plus en plus de brousse, de cette brousse dont Alka dit qu’elle est célèbre au Yucatan – sorte de haut maquis sec, poussiéreux, broussailleux, durant des kilomètres et des kilomètres (…) Nous sommes encore en rase campagne quand on vient annoncer Campeche. Nous avons quitté Tenosique il y a environ neuf heures, à 5h30. Il est 14 heures. Nous sommes saouls de chaleur et de fatigue, abrutis, moites et crasseux.

Les petits villages… la belle hutte yucatèque ovale, si séduisante, a déjà laissé place à la banale hutte rectangulaire.



A Campeche

Alka dit que rien ne lui donne davantage le sentiment du nirvana que des places comme celle sur laquelle nous sommes, amples, ensoleillées, un peu inertes, avec une voiture qui passe de temps en temps, une nuée de gosses un peu fatigués de jouer, l’inévitable radio égrenant de niaises réclames et un vieil homme ou un paysan pieds nus traversant lentement la place.

24 juillet. Hôtel Baluartes. Le samedi soir musique de danse jusqu’à 4h, le dimanche jusqu’à minuit (…) La caserne dans un beau bâtiment du début 19e en face de l’hôtel de l’autre côté des remparts récemment rasés. Grand branle-bas le matin à 5 h, longues sonneries militaires (…) Nous nous baladons longuement dans Campeche qui est, Alka le remarque justement, une sorte de résumé des tropiques latino-américains – les rues rectilignes – la grand-place – ici encore ancienne – d’autres places à arcades (…)
_ Cette ville est lointaine, isolée, un peu morte, un peu stagnante.. On y passerait volontiers vivant de peu la vie à rêver dans une sorte de passivité un peu comateuse et pourtant le tailleur qui partage sa boutique avec l’horloger (…) les mendiants moins nombreux que dans les villes de tourisme – des aveugles menés soit par des gosses, soit par des vieilles femmes, des estropiés (…) une vieille maya ratatinée en tunique avec des cheveux blancs joue de la flûte sur le pas d’une porte, des chiens malades (…)



Excursion à Edzna

Les huttes près des ruines. Un cenote près duquel les papillons sont très nombreux (…) si nombreux qu’on entend battre leurs ailes et qu’ils font de l’ombre au sol. Une pyramide de cinq étages assez effondrée, qu’on est en train de restaurer avec pas mal de discrétion, surmontée d’une grande crête ajourée. La place devant laquelle donne la pyramide est flanquée de buttes intactes. Il est 11h. Les mouches bourdonnent. De l’herbe fraîchement coupée monte une forte odeur, le côté toujours délicieux de fraîche fenaison qu’on a dans les ruines yucatanes. Du milieu de la pyramide, elle-même placée sur une butte, on domine la campagne très vaste.