Les derniers voyages d’Alfred Métraux

4 - région de Palenque


Fernande et Alfred Métraux n’arriveront à Palenque que le 13 juillet à 3 heures du matin, à cause de la lenteur du train et des nombreux arrêts en rase campagne. Après quelques heures de sommeil, ils partent pour les ruines. Dormant dans le campement des archéologues ils vont demeurer du 14 au 18 juillet sur cet ancien site maya, s’y faisant enfermer la nuit. Le 19 juillet, ils y font la connaissance d’Hubert Comte, avec qui ils forment le projet d’aller à Bonampak. Le dimanche 22 au soir, ils quittent tous les trois les ruines avec un ménage de Belges, pour revenir à Palenque. Un camion va les emmener dans la nuit à la gare pour Tenosique.


Palenque

Vendredi 13 juillet, on arrive à Palenque à 3h30 au lieu de minuit c’est-à-dire qu’on aurait mis cinq heures pour couvrir sensiblement la distance Paris-Fontainebleau.. Grand branle-bas, une camionnette vient nous chercher qui nous mène dans un hôtel un peu miteux. Ce vieil aphorisme d’Alka qui le tient d’un Anglais se confirme une fois de plus : « L’ennui avec les pays sous-développés, c’est leur plomberie… »



Palenque, visite aux ruines

Après le petit déjeuner bien servi dans un modeste bistrot, nous nous embarquons en compagnie d’un très jeune Mexicain étudiant d’anthropologie très doué pour les langues qui parle un américain parfait, le lacandon, le nahuatl, lit le français, apprend le russe…

14 juillet 62
Le site est plein d’orangers et de citronniers si abondants qu’il suffit de se baisser pour les ramasser. On en assaisonne les papayes, on en met dans l’eau. On utilise ici la source même qu’utilisaient les Mayas, qui vient de la montagne.

Dimanche 15 juillet, nous montons au sommet du Temple des Inscriptions, celui-là même qui me sembla si haut le premier jour et qui cette deuxième fois l’est un peu moins.

Lundi 16 juillet, midi
Paresse de ces derniers jours. Assise sous un amandier avec quatre Indiens Chol. Ils ont des mules (..) et de gros sacs de maïs qu’ils ont amenés de leur village situé à quelques lieues d’ici et qu’ils vont vendre à Palenque.

Mardi
Le petit Temple du Lion où Alka me mène ce matin. Nous marchons une demi-heure. (…) Imagine-t-on un sourd dans la forêt vierge ? Cela s’enfle, décroît, s’apaise, puis gronde brutalement avec des éclats, des apaisements, traversée de sifflements mélodieux, d’autres plus aigus ; l’un, au loin, régulier, roule comme le sourd grondement d’un train assez éloigné, de temps en temps, éclatent comme les crissements de cigales monstrueuses et toujours ce bruit de train à l’arrière-plan. Des grondements, craquements, froissements, crissements au ras du sol.

On dirait des cages invisibles qu’on déplacerait constamment. (…) J’imagine des serpents sous chaque feuille, des ocelots dans chaque taillis, des singes à la cime de chaque branche et je ne vois qu’un écureuil. Je croise un Indien pieds nus et une petite fille. L’homme porte un énorme sac maintenu par un bandeau frontal…

17 juillet
Sortis sous la lune pour la dernière fois. Les ombres des arbres vues des temples sont extrêmement nettes, aigües. Je regarde de la deuxième plate-forme de la pyramide tandis qu’Alka monte en haut, dérangeant, dit-il, les chauves-souris (…) Les chevaux blancs qui paissent ainsi aux pieds des temples. Le chemin sinueux qui mène devant le palais (…) La rumeur des chiens et tout ce bruit de fond des insectes qu’on oublie d’entendre comme une fontaine et qu’on entend brusquement à nouveau.