Les derniers voyages d’Alfred Métraux

10 - Tehuantepec-Salina Cruz


Le samedi 11 août, Fernande et Alfred Métraux reprennent le bus pour Salina Cruz, dont ils visitent longuement les rues désertes, le port semblant à l’abandon, impressionnés par la misère et la solitude ambiantes. Ils retournent à l’hôtel Tehuantepec, d’où ils repartiront le 13 août pour Oaxaca.


Arrivée à Tehuantepec

Arrivée à Tehuantepec, nous sommes fort étonnés. Il ne s’agit point du tout de la ville que pensait Alka, mais d’un gros bourg genre bout du monde, incroyablement poussiéreux et lointain.

Le marché un peu désert vers quatre heures. Dans un vieux bâtiment colonial désaffecté, un grand porche sous lequel des femmes attendent, qui donne de plain pied sur un portique à fenêtres à gros grillage de bois genre médiéval (la prison). Derrière ce grillage, des types fument et bavardent. Ils ont vue sur le marché et la possibilité d’être nourris, de bavarder quasi librement avec leur famille ou leur copain.

Les femmes ont le costume que nous avons vu à Coatzacoalcos, jupe longue et ample, petite blouse de couleur différente, soit en velours, soit imitant un gilet, une natte soit dans le dos, soit en chignon, toujours tressée avec un ruban.

Hier soir, sur le chemin ramenant à l’hôtel Tehuantepec, un homme qui a l’air d’un paysan arrête Alka et lui dit : « Nous sommes tous deux étrangers ici, je suis Guatémaltèque, les gens disent que je suis venu ici pour les espionner. Donne-moi vingt centavos pour que je m’achète une tortilla ». Ce « nous sommes tous deux étrangers » nous plut fort. Ceci le soir dans la poussière d’un méchant chemin.



A Salina Cruz

Une ville bizarre, abandonnée, assez grande, à la fois moderne et dégradée (…) A travers de grands chemins qui passent pour des rues défoncées, nous gagnons la mer et le port. Chantier des filets sèchent devant des baraques misérables en vieilles planches noirâtres et tôle ondulée – des chiens – du linge qui sèche dehors. Nous quittons la mer et remontons vers la ville (…). Nous passons devant un dentiste. Nous entendons le bruit formidable de sa vieille roulette.



Dans le bus de retour vers Tehuantepec.

Alka dit très bien le côté poussiéreux, lointain, misérable, abandonné, le côté début d’industrialisation et la dégradation due à la misère à l’ignorance et à l’éloignement. Le côté minable, calamiteux. Sorte d’exotisme par le bas – d’exotisme négatif (…) exalté par le soleil et la poussière. Seul Conrad, selon Alka, sut rendre ces atmosphères..